Nous devons la statuaire et les peintures de la cathédrale aux évêques Louis Ier et Louis II d’Amboise (oncle et neveu), tous deux amoureux des arts et hommes de Dieu parfaitement formés aux plans théologique et spirituel. Nourris de théologie augustinienne, ils ont essayé de mettre en valeur la thématique de la lumière, chère à saint Augustin (qui décrit en effet sa conversion au Christ comme le passage des ténèbres à la lumière). Ainsi, la lumière est comme le vecteur qui va conduire le croyant sur le chemin spirituel tracé par les œuvres sculpturales et picturales. Par exemple, les personnages représentés à la voûte, qui sont en noir et blanc sont ceux qui n’ont jamais connu le Christ. A l’inverse, ceux qui l’ont rencontré ou qui ont adhéré à son message sont peints en couleurs. C’est dire la richesse symbolique et mystique de cette œuvre unique en son genre.
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Chapelle axiale (Vierge à l’Enfant)
Cette chapelle est axée vers l’est ; elle est « orientée », non pas parce que la Terre Sainte se trouve à l’est, à l’Orient, mais parce que dans l’Évangile de saint Jean, Jésus est présenté comme « la vraie Lumière qui éclaire tout homme en venant dans le monde » (Jn 1, 9) et que le soleil se lève à l’est. Voilà pourquoi la plupart des autels sont « orientés », tournés vers le Christ, « Soleil de justice ». La statue de la Vierge à l’Enfant nous rappelle que le Verbe qui est la Lumière véritable, s’est fait chair en Marie. La Vierge Marie est l’instrument que Dieu s’est choisi pour donner son Fils au monde.
Face à la Vierge à l’Enfant, nous avons la statue du vieillard Syméon. L’Évangile de saint Luc dit de lui qu’il attendait la « Consolation d’Israël », la venue du Messie. L’Esprit Saint lui avait fait comprendre qu’il ne mourrait pas avant de voir de ses yeux l’Envoyé de Dieu. Chaque jour, il allait au Temple. Lorsque Joseph et Marie sont venus présenter l’Enfant Jésus au Temple, huit jours après sa naissance, Syméon, poussé par l’Esprit, est venu au-devant d’eux et a saisi l’Enfant dans ses bras. Il a chanté à Dieu ce cantique : « Maintenant, ô Maitre souverain, tu peux laisser ton serviteur s’en aller en paix selon ta parole. Car mes yeux ont vu le salut… lumière qui se révèle aux nations et donne gloire à ton peuple Israël » (Lc 2, 29-30.32). Syméon nous invite à accueillir la Lumière venue de Dieu par Marie, qui illumine le monde et nos vies, qui leur donne un sens. Par le Christ, notre existence reçoit un éclairage nouveau. Commence dès lors notre chemin spirituel.
Derrière Siméon, se trouve l’autel majeur de la cathédrale. C’est là, au moment de la consécration, au cœur de la messe, que le Christ se rend réellement présent à son Église sous les espèces du pain et du vin. À l’aplomb du maître-autel, au sommet de la voûte, est représenté le Christ en gloire, tenant entre ses mains le livre de la Révélation. On y lit : « Ego sum Lux mundi… », c’est-à-dire : « Je suis la Lumière du monde », affirmation du Christ lui-même, rapportée par l’Évangile de saint Jean (8, 12). Cette Lumière qui vient éclairer nos vies et leur donner un sens, nous la célébrons à chacune de nos eucharisties et l’accueillons réellement en nous dans le sacrement de la communion.
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Déambulatoire sud (entre les statues des prophètes Isaïe et Jérémie)
La promesse de la venue du Messie a été portée pendant des siècles par le peuple d’Israël. Cette venue a été annoncée par plusieurs prophètes de l’Ancien Testament. Ils sont représentés ici sur la clôture extérieure du grand-chœur, avec d’autres personnages de l’Ancien Testament. Nous sommes côté sud, face au plein soleil. Voici deux prophètes, Isaïe et Jérémie, au visage particulièrement expressif. Ils ont annoncé la « grande Consolation » au peuple d’Israël, en utilisant la thématique de la lumière.
– Pour Isaïe : « Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière ; sur ceux qui habitaient le pays de l’ombre, une lumière a resplendi » (Is 9, 1). « Ainsi parle le Seigneur : ‘C’est trop peu que tu sois mon serviteur pour relever les tribus de Jacob et ramener les rescapés d’Israël : je vais faire de toi la lumière des nations, pour que mon salut parvienne jusqu’aux extrémités de la terre’ » (Is 49, 6).
– Pour Jérémie : « Voici venir des jours, déclare le Seigneur, où je conclurai avec la maison d’Israël et avec la maison de Juda une Alliance nouvelle. (…) Voici quelle sera l’Alliance que je conclurai avec la maison d’Israël quand ces jours-là seront passés, déclare le Seigneur. Je mettrai ma Loi au plus profond d’eux-mêmes ; je l’inscrirai dans leur cœur. Je serai leur Dieu, et ils seront mon peuple. (…) Ainsi parle le Seigneur, lui qui a fait le soleil pour éclairer pendant le jour » (Jr 31, 31.33.35a).
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Intérieur du grand-chœur (devant le sanctuaire)
Revenons au Christ en gloire, au sommet de la voûte, qui surplombe l’autel majeur. « Lumière du monde », il rayonne de gloire. La Révélation lui rend témoignage à travers ses deux modes de transmission :
– le mode définitivement consigné par écrit : la Parole de Dieu, avec les quatre évangélistes (l’ange pour saint Matthieu, le lion pour saint Marc, le taureau pour saint Luc et l’aigle pour saint Jean)
– le mode évolutif de la Tradition vivante de l’Église, représentée ici par les quatre grands docteurs de l’Église d’Occident : saint Grégoire, saint Ambroise, saint Augustin et saint Jérôme.
Au registre inférieur, même chose : au centre, l’autel qui représente le Christ et autour les douze Apôtres, dont la prédication a révélé au monde sa Personne et son message. Chaque Apôtre porte entre ses mains une banderole ou phylactère, sur lequel est écrit un des articles du Credo. De mains en mains défile le Symbole des Apôtres, exposé résumé de la foi chrétienne. Chaque Apôtre est adossé à un personnage de l’Ancien Testament, qui porte lui aussi un phylactère. Sur celui-ci est reporté un verset du livre dont il est l’auteur. Il y a une correspondance entre l’article du Credo et le verset de l’Ancien Testament. Les deux modes de transmission de la Révélation – l’Écriture Sainte (ici les écrits des Prophètes) et la Tradition de l’Église (ici les articles du Credo) – sont profondément unis entre eux. Le Christ est la clé de compréhension des Écritures ; il les éclaire, il les accomplit.
Exemples de correspondances :
Isaïe : « Voici que la jeune femme est enceinte, elle enfantera un fils, et on l’appellera Emmanuel (c’est-à-dire : Dieu-avec-nous) » (Is 7, 14)
Jacques le Mineur : « qui a été conçu du Saint-Esprit, est né de la Vierge Marie »
Zacharie : « Ils lèveront les yeux vers celui qu’ils ont transpercé » (Za 12, 10)
Jean : « a souffert sous Ponce Pilate a été crucifié, est mort et a été enseveli »
Joël : « Je répandrai mon esprit sur toute créature » (Jl 3, 1)
Barthélemy : « Je crois en l’Esprit Saint »
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Intérieur du grand-chœur (au milieu)
Après avoir accueilli le Verbe-Lumière, venu en ce monde par Marie, annoncé par les prophètes, enseigné par les Apôtres et toute l’Église, partons à sa suite ; comme les disciples, entrons dans une relation d’alliance avec lui, en nous laissant guider par les peintures de la voûte. Qui dit alliance, dit échange réciproque. Du côté de Dieu, c’est le don de sa grâce ; du côté de l’homme, c’est un acte de foi. L’alliance de Dieu avec les hommes se noue dans la conjugaison de la grâce et de la foi au Christ mort et ressuscité.
Le Couronnement de Marie
Cet événement n’est pas mentionné dans le Nouveau Testament, mais appartient à la Tradition de l’Église. Transfigurée jusqu’en son corps, Marie nous apparaît dans la gloire de son assomption comme la réussite suprême de la Rédemption de son Fils. Elle est toute-puissante, puisqu’elle est la Mère de Celui dont le règne n’aura pas de fin. L’Église salue en elle sa Reine, souveraine médiatrice de toute grâce. Par elle, nous est venu le Fils de Dieu ; par elle encore, nous vient la grâce de devenir toujours davantage enfants de Dieu. Elle intercède pour nous auprès de son Fils, comme elle agit auprès de nous pour nous faire grandir dans la foi.
Les saints et les vertus
La grâce de Dieu nous est donnée de deux grandes manières : par l’exemple et la prière efficace des saints en notre faveur, qui sont autant de frères aînés dans la foi (c’est la grâce aidante) ; et par l’infusion en nous des vertus qui nous poussent à faire le bien (c’est la grâce sanctifiante).
Beaucoup de saints et de saintes parsèment la voûte ; ce sont des compagnons de route, des amis qui nous guident et nous protègent dans notre cheminement spirituel. Les saints qui sont représentés au début de notre chemin, sont des saints « familiers », non pas des gens exceptionnels – des papes, des fondateurs d’ordre, des missionnaires… –, mais gens comme nous. Les premiers appartiennent à la famille de sang de Jésus : saint Joseph et saint Jean-Baptiste, saint Joachim et sainte Anne (les parents de la Vierge) ; les seconds, à la famille des Caecilii : sainte Cécile, patronne de cette cathédrale, saint Valérien, son mari, et saint Tiburce, son beau-frère.
Quant aux vertus, les trois vertus théologales – la foi, l’espérance et la charité – sont écrites en toutes lettres (fides, spes et caritas), auxquelles a été ajoutée l’humilité (humilitas). Sont également mentionnées les quatre vertus cardinales – la prudence, la justice, la force et la tempérance.
Voilà pour ce qui est du don de Dieu en faveur de l’homme. Voyons maintenant l’autre terme de l’Alliance : ce que l’homme doit donner à Dieu. Cela se trouve de l’autre côté du jubé, dans la nef paroissiale.
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Dans la nef paroissiale (au milieu)
Ce que le Christ attend de l’homme pour nouer une alliance de salut avec Dieu, c’est un acte de foi, qui mobilise la liberté, le cœur et l’intelligence. Deux récits de l’Évangile, représentés au sommet de la voûte, évoquent cela : La Transfiguration et L’Apparition du Ressuscité au Cénacle.
La Transfiguration
Quelques semaines avant sa Passion, le Christ dévoile de façon éphémère sa divinité à trois de ses Apôtres – Pierre, Jacques et Jean. La lumière qui émane de son corps, révèle sa gloire divine : il est vrai homme, mais il est aussi vrai Dieu. Dernière son enveloppe humaine, son corps, se cache sa divinité. Il est le Fils coéternel du Père. Cette « épiphanie » (manifestation divine) est destinée à fortifier les disciples, dont la foi va être mise à très rude épreuve lors de la Passion. La vision d’Élie et de Moïse, morts depuis des siècles, est destinée à conforter leur foi en la vie éternelle. Le Christ, sur qui resplendit la gloire de Dieu, ouvre à l’humanité la porte de l’Espérance. Cette représentation nous rappelle que Dieu est toujours présent aux creux de nos vies, même si nous ne le voyons pas toujours. Elle nous invite à exercer notre discernement pour déceler la douce lumière de sa Présence dans notre histoire et celle du monde, par-delà leur opacité. Ce discernement suppose de prendre le temps de relire le fil de la vie à la lumière de l’Esprit Saint, de nous recueillir, de méditer, de prier. La prière est un chemin qui nous libère du matériel, des apparences trompeuses du monde, pour discerner les germes du Royaume à venir et consolider ainsi notre foi.
L’Apparition du Ressuscité au Cénacle
Le dimanche après Pâques, le Christ ressuscité réapparaît à ses Apôtres, notamment à saint Thomas, qui était absent du Cénacle le jour de Pâques. Quand les disciples lui ont dit : « Nous avons vu le Seigneur ! », il a douté : « Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je ne mets pas mon doigt à l’endroit des clous, si je ne mets pas la main dans son côté, non, je ne croirai pas ! » (Jn 20, 25). Le Ressuscité invite donc Thomas à toucher de son doigt la marque des clous et la plaie de son côté. Et Thomas de s’écrier alors : « Mon Seigneur et mon Dieu ! » (v. 28). « Heureux ceux qui croient sans avoir vu », lui répond le Christ (v. 29). Plus qu’une invitation à croire, à passer de l’absence à Dieu à une présence à lui, cet épisode nous révèle jusqu’où nous mène l’acte de croire lorsqu’il est posé avec amour et vérité : il nous met en communion vivante avec le Christ ressuscité. La foi fait passer le Christ en nous et elle nous fait passer en lui. L’alliance est bien plus qu’un échange de mots ; elle est communion au Christ vivant. Ainsi se comprend l’étonnante affirmation du Christ dans son Discours sur la montagne : « Vous êtes le sel de la terre. (…) Vous êtes la lumière du monde » (Mt 5, 13.14). Si le Christ est la « Lumière du monde », nous pouvons devenir par lui, avec lui et en lui « lumière du monde », participants de son Être et de sa mission.
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Devant le sanctuaire (face au Jugement dernier)
Nous voici au terme du cheminement spirituel proposé par la cathédrale : la fresque du Jugement dernier rappelle qu’au terme de notre existence nous aurons à rendre compte de notre vie à Dieu. Le Jugement dernier se lit sur deux registres, inférieur et supérieur. En bas, entrecoupés par des bandes verticales rouges et blanches, sont représentés les sept péchés capitaux (de gauche à droite : l’orgueil, l’envie, la colère, la paresse qui était au centre et qui a disparu, puis l’avarice, la gourmandise et la luxure). En haut, le Jugement dernier proprement dit, à partir de la parabole du chapitre 25 de l’Évangile de saint Matthieu :
« Quand le Fils de l’homme viendra dans sa gloire, et tous les anges avec lui, alors il siégera sur son trône de gloire. Toutes les nations seront rassemblées devant lui ; il séparera les hommes les uns des autres, comme le berger sépare les brebis des chèvres : il placera les brebis à sa droite, et les chèvres à sa gauche. Alors le Roi dira à ceux qui seront à sa droite : ‘Venez, les bénis de mon Père, recevez en héritage le Royaume préparé pour vous depuis la création du monde. (…)’ Alors il dira à ceux qui seront à sa gauche : ‘Allez-vous-en loin de moi, maudits, dans le feu éternel préparé pour le démon et ses anges. (…) » (Mt 25, 31-34.41).
La partie centrale où était représenté le Christ-Juge siégeant dans la gloire, a disparu à l’extrême fin du XVIIe siècle, sous l’épiscopat de Mgr Charles Le Goux de la Berchère, qui l’a percée pour créer la chapelle Saint-Clair, aujourd’hui chapelle du Saint-Sacrement.
À droite, l’enfer (côté nord, côté « ténèbres »). Il se lit de haut en bas. En haut, le vide : les damnés quittent le monde et tombent en enfer. Trois observations : la première est que les personnages tiennent entre leurs mains un livre, leur livre de vie, rappelant que c’est leur vie et non Dieu qui les condamne à la peine éternelle. La seconde est le désordre qui règne. S’éloigner de Dieu, c’est quitter l’harmonie et la paix. Troisième observation : aucun des personnages ne se regarde ; leur orgueil démesuré les a amenés à l’autosuffisance, au refus d’entrer en relation avec l’Autre et avec les autres. La peine éternelle consiste précisément à ne plus être aimé et à ne plus pouvoir aimer.
À gauche, le paradis (côté sud, côté lumière). Il se lit de bas en haut. En bas, les élus s’élèvent vers le Royaume de Dieu. Trois observations en contre-point des précédentes : la première est la tenue en mains du livre de vie, montrant le poids que nos actes de charité acquièrent dès ici-bas. La seconde est l’harmonie qui se dégage (les élus montent dans l’ordre). La troisième est que tous les élus regardent vers le Christ (aujourd’hui disparu) : ils ont dit oui à l’Amour et c’est cet Amour qui les fait entrer dans la Vie éternelle. Au-dessus est représenté le Royaume de Dieu avec la diversité des états de vie et des catégories sociales : pape, évêques, prêtres, religieux, empereur, rois, nobles, bourgeois, artisans et paysans… Tout homme, quel qu’il soit, est appelé à partager la Vie divine !